Paris, Motion de l’UMR 7209, CNRS-MNHN (11/02/09)
Motion de l’UMR 7209 « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements » (CNRS-MNHN, 11 février 2009)
L’UMR 7209 « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements » condamne la mise en place unilatérale des mesures suivantes :
démantèlement des organismes de recherche ;
modifications du statut des enseignants chercheurs, plaçant notamment leur évaluation sous le contrôle des conseils d’administration et des présidents d’Universités et non, comme il se doit, sous la responsabilité d’instances scientifiques (évaluation par les pairs) ;
précarisation des personnels de toutes les catégories au travers de l’individualisation des services ;
nouveau contrat doctoral qui, instaurant la possibilité d’une indexation du salaire sur la qualité du candidat jugée a priori, introduit dès le doctorat une différence de traitement pour une même fonction qui non seulement n’a pas lieu d’être mais ne fera que créer une compétition allant à l’encontre du climat de confiance nécessaire à l’accomplissement d’une recherche sereine ;
mise en place de systèmes concurrentiels poussant individus et structures à des rivalités stériles alors qu’il faudrait au contraire développer coopération et collaboration sur des bases de programmation définies par des instances scientifiques (et non politiques).
Toutes ces mesures résultent de la loi LRU et du pacte sur la Recherche et auront pour conséquence l’affaiblissement de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles s’appuient sur un mensonge d’Etat, stigmatisant une recherche française qualifiée de « mal organisée et médiocre », quand tous les indicateurs mondiaux montrent le contraire. Nous exigeons le rétablissement des postes supprimés et un plan pluri-annuel de créations d’emplois statutaires dans l’enseignement supérieur et la recherche. Nous rappelons que nous sommes attachés à un système d’enseignement supérieur et de recherche garantissant gratuité, démocratie, collégialité, indépendance et liberté, car l’Université n’est pas une entreprise et le Savoir n’est pas une marchandise. Nous demandons en urgence que la communauté universitaire et le monde de la recherche soient écoutés et entendus. Nous refuserons donc désormais, chacun à la mesure de ses moyens et de ses responsabilités, d’accepter de contribuer à la destruction de l’actuel système de recherche de notre pays, en particulier au démantèlement des organismes de recherche, et à la diminution des postes statutaires. Nous nous opposerons à ces mesures destructrices. Pour ces raisons, nous déclarons aujourd’hui que l’UMR 7209 « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements » est en lutte.
Motion adoptée à l’unanimité des présents à l’Assemblée Générale du 11 février 2009.
(30 votants)
Lettre ouverte au Président de la République en réponse au discours du 22 janvier 2009.
Paris, le 11 février 2009
Monsieur le Président de la République,
Nous, acteurs de la recherche : chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants, personnels techniques et administratifs de l’UMR 7209 « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements », (CNRS/MNHN), avons été scandalisés et effarés par les propos que vous avez tenus lors de votre discours du 22 janvier.
Vous considérez que les récompenses prestigieuses attribuées à des chercheurs cachent une recherche pratiquée par une majorité de médiocres et de fainéants. Il s’agit là d’un véritable mensonge d’Etat, dénué de tout fondement objectif. Quel est donc ce mépris pour toute une profession ? Que valent les diplômes de haut niveau, les concours de recrutement de plus en plus exigeants et sélectifs et le rang plus qu’honorable de nos EPST dans les classements mondiaux ? Il faut rappeler que l’émergence de résultats exceptionnels couronnés par des récompenses prestigieuses n’aurait pu voir le jour sans le travail quotidien et à long terme de l’ensemble des acteurs de la recherche. Ce travail se fait dans un esprit de coopération et non de concurrence. C’est en favorisant la diffusion de l’information et la collaboration, qui permettent confrontation et émulation, que la création de nouveaux savoirs et l’innovation sont possibles : dans le domaine de la science, une concurrence effrénée est synonyme de perte d’énergie. La recherche constitue le monde de l’exploration et non celui de l’immédiateté, de la rentabilité à court terme et du paraître.
Nous sommes aussi choqués de vous entendre affirmer que nous serions hostiles à toute forme d’évaluation. Nous tenons à vous rappeler que notre métier est par essence évalué en permanence ; par nos communications scientifiques (publications dans des revues internationales à comité de lecture, communications à des congrès ...), par les demandes de contrats de recherche nationaux ou internationaux, nous sommes habitués aux vérifications, aux débats, aux confrontations intellectuelles. Les chercheurs relevant du CNRS sont déjà évalués tous les deux ans par le Comité National du Centre National de la Recherche Scientifique, dont les membres sont issus de l’ensemble de la communauté scientifique. L’évaluation des enseignants-chercheurs a, quant à elle, déjà été appelée de ses voeux par la communauté scientifique lors des Etats Généraux de la Recherche en 2004. Une évaluation par les pairs, rendant lisible et valorisant le travail des enseignants-chercheurs est une nécessité et aurait dû être mise en place depuis longtemps par les pouvoirs politiques. Mais nous nous joignons au reste de la communauté scientifique pour refuser une évaluation technocratique et arbitraire des enseignants-chercheurs, effectuée par des instances administratives sous l’égide des présidents d’Université. Est-il nécessaire de vous rappeler que l’évaluation par les pairs de façon collégiale est pratiquée dans tous les pays ayant une recherche de dimension internationale ?
Il est consternant de constater que le gouvernement engage des réformes de fond de la recherche publique et de l’enseignement supérieur en s’appuyant sur une analyse erronée de la situation, guidée uniquement par des a priori idéologiques.
Par ailleurs, nous sommes attachés aux missions du CNRS en tant qu’établissement public scientifique et technique pluridisciplinaire : faire progresser le champ des connaissances dans
toutes les disciplines scientifiques, de la physique fondamentale à la géographie politique en passant par l’archéologie ou la biologie moléculaire ; en valoriser et diffuser les avancées scientifiques et techniques ; contribuer à la formation par la recherche. Le CNRS est réputé pour son dynamisme et sa production scientifiques dans toute la communauté internationale. Beaucoup de nos collègues étrangers, en Europe et outre Atlantique, nous envient un tel organisme. Ils sont de plus en plus nombreux à venir se présenter aux concours de chercheur du CNRS, en dépit de la très faible attractivité des salaires. Seul le maintien du CNRS comme opérateur de recherche est compatible avec ces missions. Nous tenons à souligner que la communauté scientifique n’a cessé de réfléchir depuis les années 80 sur les évolutions de nos métiers et de faire des propositions pour faire évoluer notre système de recherche. Il est très inquiétant pour l’avenir de la recherche en France que vous restiez indifférent à toutes ces propositions.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération pour la fonction que vous incarnez.
L’UMR 7209 « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements », (CNRS/MNHN) réunie en assemblée générale le 11 février 2009 (30 personnes présentes ou représentées).